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Chirurgie bariatrique

Publié le 16 avr 2024Lecture 5 min

Fonctions cérébrales dans l’obésité : du mieux après chirurgie bariatrique ?

Louis MONNIER, Montpellier

Custers E et al. Long-term brain structure and cognition following bariatric surgery. JAMA Network Open 2024 ; 7 : e2355380.

Les sujets obèses traités par chirurgie bariatrique bénéficient-ils d'améliorations cliniques qui dépassent le simple cadre de la perte de poids et du meilleur contrôle des comorbidités classiques de l'obésité pour s'étendre à d'autres cibles et pour toucher, en particulier, les fonctions cérébrales. Cette question est débattue dans un article qui vient d'être publié dans le JAMA Open Network. En guise d’introduction de leur publication, les auteurs rappellent que l'obésité « per se », mais surtout quand elle est associée à des comorbidités (diabète de type 2, hypertension artérielle…) s'accompagne de troubles cognitifs et de modifications de la structure cérébrale impliquant à la fois la matière grise et blanche. Ces altérations pourraient être, d'après certaines études, la conséquence d'une réduction du flux sanguin cérébral fréquemment et communément associée à l'obésité. Pour étudier les effets à long terme de la réduction pondérale sur les fonctions et les structures cérébrales, les auteurs de l'article ont sélectionné une population de 133 personnes obèses qui furent soumises à un bypass gastrique de type Roux en Y. Les sujets avaient soit un IMC > 40 kg/m2, soit un IMC > 35 kg/m2 mais associé à des comorbidités. Pendant les 24 mois ayant suivi l’intervention chirurgicale, les sujets ont fait l'objet au 6e et au  24e mois d'une évaluation portant sur les paramètres suivants : (1) données cliniques (anthropométriques et performances cognitives) ; (2) données fournies par l'imagerie cérébrale (mesures morphologiques et dynamiques en rapport avec la vascularisation cérébrale) ; (3) données biologiques telles que des dosages de cytokines. Les résultats suivants ont été observés. • En premier lieu, comme on pouvait s'y attendre, la réduction du poids corporel après chirurgie bariatrique a été spectaculaire et soutenue : index de masse de corporelle (IMC) = 41,87 kg/m2 à l’état de base, versus 30,46 kg/m2 au 6e mois et 27,44 kg/m2 au 24e mois (figure). De manière parallèle, les pressions artérielles systoliques et diastoliques ont baissé pour passer de 137,33 mmHg à l'état de base à 129,66 mmHg au 24e mois en ce qui concerne la systolique et de 85,25 mmHg (état de base) à 80,49 mmHg (au 24e mois) en ce qui concerne la diastolique. • Plusieurs domaines de performances cognitives se sont significativement améliorés au 6e et au 24e mois après la chirurgie bariatrique (figure). À titre d'exemple la capacité de mémorisation immédiate et à distance a été significativement améliorée (p = 0,003) avec 42 personnes sur 133 (31,6 % des sujets) qui ont eu une amélioration > 20 % ; l’aisance pour l’expression orale a significativement augmenté (p < 0,001) avec 42 personnes sur 133 (24,1 % des sujets) pour lesquelles l’augmentation a été supérieure à 20 %. • Les signes de dépression ont été moins fréquents après la chirurgie bariatrique : Score BDI (« Beck Depression Inventory ») qui est passé de 9,0 [5,0-13,0] à 3,0 [1,0-6,0], (p < 0,001). • Le score d’activité physique (Baecke score) a augmenté pour passer de 7,64 [1,29] à 8,19 [1,35], (p < 0,001). • De manière un peu paradoxale, en dépit de toutes ces améliorations, l’imagerie cérébrale, malgré une augmentation isolée de l’épaisseur du cortex temporal, a montré une évolution plutôt défavorable sur la période de 24 mois qui a suivi la chirurgie bariatrique. Les flux sanguins cérébraux et l’épaisseur de la matière grise corticale ont diminué au 24e mois. À titre d’exemple, l’épaisseur du cortex frontal est passée d’une moyenne ± DS de 2,552 ± 0,010 mm à 2,510 ± 0,091 mm (p < 0,001) et le débit sanguin dans ce même cortex frontal est passé de 47,205 ± 8,788 mL/100 g/min à 43,487 ± 8,870 mL/100 g/min (figure). Cette dégradation, même si elle est modérée, est en contradiction avec d’autres études qui auraient montré des augmentations du volume de certaines aires cérébrales après chirurgie bariatrique. Pour expliquer cette discordance, les auteurs de l’étude actuelle évoquent l’influence possible de l’âge (âge moyen des sujets : 46,8 ans), l’ancienneté de l’obésité (les altérations cérébrales seraient partiellement irréversibles au bout d’un certain temps lorsque l’obésité est ancienne) et la persistance d’une surcharge pondérale résiduelle au 24e mois (IMC aux alentours de 27, ce qui sous entend qu’un nombre significatif de sujets sont loin d’avoir normalisé leur poids au-delà du 24e mois, même si la perte pondérale a été en moyenne importante et significative. • Les marqueurs biologiques de l’inflammation se sont améliorés à l’instar de la protéine C réactive (PCR) dont le taux a très significativement diminué : 4,77 ± 5,80 versus 0,80 ± 1, 09 µg/mL (p < 0,001) au 24e mois (figure). En résumé, dans cette étude, la chirurgie bariatrique chez des sujets ayant une obésité morbide entraine une amélioration des fonctions cérébrales et des paramètres biologiques sans amélioration parallèle de la morphologie des structures cérébrales. Une intervention plus précoce sur l’obésité aurait peut-être eu des effets bénéfiques sur les structures cérébrales qui semblent subir des altérations partiellement irréversibles lorsque la prise en charge de l’obésité est trop tardive et lorsque l’obésité a évolué sur une trop longue période de temps. Ce type de conclusion paraît logique dans la mesure où  tout désordre métabolique (diabète, hypertension, dyslipidémie, obésité avec ou sans comorbidités associées) exerce ses effets délétères à la fois par son intensité et sa durée, c’est-à-dire par le biais de l’exposition chronique cumulée. L’une des critiques qui peut être formulée sur l’étude actuelle (et qui est relevée par les auteurs eux-mêmes) est l’absence de groupe contrôle qui, par exemple, aurait pu être constitué par des sujets du même âge, non obèses,  suivis sur une période de 24 mois avec les mêmes estimations en termes de clinique, de biologie et d’imagerie cérébrale. Figure. Évolution du poids, de certaines performances cérébrales (aisance dans l’expression orale, mémorisation immédiate et à distance), du débit sanguin dans le cortex cérébral et de la protéine C réactive (PCR) entre l’état de base (0) et le 24e mois après chirurgie bariatrique. Les valeurs des moyennes ont été arrondies à la 1re décimale après la virgule.  

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