Publié le 14 juin 2023Lecture 6 min
SOFFCO.MM 2023 | Traitements de l’obésité : quelles seront les nouveautés dans un avenir plus ou moins proche ?
Gabrielle BOGA, Rennes - D’après la communication du Pr Emmanuel DISSE, chef du service d'endocrinologie-diabète-nutrition, Hospices Civils, Lyon
Au rang des thérapeutiques contre l’obésité, que peut-on attendre des molécules actuellement à l’étude ? Tour d’horizon du pipeline qui pourrait arriver à disposition dans les prochains mois ou années, sachant que toutes les molécules présentées ci-dessous n’ont à ce jour pas d’indication dans l’obésité.
Les cibles moléculaires des médicaments à l’étude sont surtout centrales
« Les principaux traitements à venir, ciblant le système nerveux central, vont être des inducteurs pharmacologiques de la satiété », décrit le Pr Emmanuel Disse (Hospices Civils de Lyon).
Le sémaglutide oral : « comme tout peptide digestif à visée thérapeutique, le sémaglutide s’injecte normalement par voie sous-cutanée. Mais l’absorption par voie orale est devenue possible en combinant dans un comprimé le sémaglutide avec un dérivé lipidique, le SNAC. Cela modifie le pH gastrique, protège la molécule de la dégradation et facilite le passage transépithélial », précise le Pr Disse. « Cette forme orale de sémaglutide a déjà été évaluée et est maintenant utilisée dans certains pays pour le traitement du diabète de type 2 (programme PIONEER). »
Le programme d’études de phase 3 OASIS dont il est question aujourd’hui vise à tester l’efficacité et la sécurité du sémaglutide oral dans le traitement de l’obésité. OASIS-1 est la première étude de ce programme. OASIS-1 consiste à « tester le sémaglutide oral à forte dose (50 mg/jour) versus un placebo, chez 667 adultes, dont l’IMC était ≥ 30 kg/m² ou ≥ 27 kg/m² associés à des comorbidités, pendant 68 semaines. Le poids de départ était de 105 kg, l’IMC moyen de 38 kg/m². Selon les résultats présentés au Congrès américain de diabétologie (ADA) début juin, la perte de poids a été de 17,4 %, soit 15,4 kg par rapport au poids de départ, en 68 semaines, contre 1,8 % sous placebo. Les effets indésirables sont similaires à ceux de la classe des analogues du GLP1, les patients ayant principalement rapporté des épisodes de nausées, de diarrhées et de constipation. Aucun nouvel EI n’est à rapporter. En termes de perte de poids, nous arrivons donc à faire aussi bien avec le sémaglutide oral 50 mg/jour qu’avec le sémaglutide 2,4 mg/semaine ».
Le tirzépatide, « cette molécule originale n’est pas un analogue du GLP-1 mais un co-agoniste des récepteurs au GIP et au GLP-1. Sa longue demi-vie de 5 jours permet des injections hebdomadaires ». Le programme SURPASS a évalué l’efficacité et la tolérance de cette molécule portant le nom commercial Mounjaro® dans le traitement du diabète de type 2. Dans ces études, la baisse d’hémoglobine glyquée observée est très significative et pour un grand nombre de patients elle atteint le seuil de 5,7 %. »
« Le programme SURMOUNT (phase III) évalue à travers plusieurs études l’efficacité et la sécurité d’emploi du tirzépatide dans le traitement de l’obésité et de ces comorbidités telles que le syndrome d’apnées du sommeil, la NASH ou encore l’insuffisance cardiaque. SURMOUNT-1 est l’étude pivot de ce programme qui a été publiée l’année dernière ; elle a étudié l’impact sur le poids du tirzépatide à 3 doses différentes vs un placebo auprès de patients dont l’IMC est ≥ 30 kg/m² ou ≥ 27 kg/m² associés à des comorbidités. Après une escalade de doses de plusieurs mois, les patients sont maintenus plusieurs mois en plateau. Sur l’ensemble de l’étude, la perte de poids moyenne a été de 22,5 % pour la plus forte dose de tirzépatide (15 mg/semaine), et il s’agit de la plus importante perte de poids à ce jour observée avec un médicament et ayant fait l’objet d’une publication. Plus de 60 % des patients ont atteint une perte de poids supérieure à 20 %. Et 40 % ont perdu plus de 25 % de leur poids, c’est-à-dire des résultats qui se rapprochent de ceux obtenus grâce à la chirurgie bariatrique. Les effets indésirables sont similaires aux analogues du GLP-1.
« Les dosages de 10 mg et 15 mg de tirzépatide vs placebo ont été testés chez des patients obèses également pris en charge pour un diabète de type 2 (sans traitement injectable ou analogue du GLP-1 préalable). Nous savons que la population diabétique de type 2 est habituellement moins sensible aux traitements pharmacologiques de l’obésité que les populations sans diabète. Dans SURMOUNT-2, la perte de poids moyenne a été de 15,6 % comparée au poids initial pour la dose la plus forte de tirzépatide, correspondant là encore, à la perte de poids pharmacologique la plus importante décrite jusqu’alors pour des patients diabétiques de type 2 ».
Le cagrilintide (AM833) et la combinaison avec le sémaglutide dans un stylo injecteur nommé CagriSema® : « Le cagrilintide est une molécule peptidique et acylée, analogue de l’amyline, un peptide digestif co-sécrété avec l’insuline par la cellule bêta-pancréatique qui a un effet clair sur la réduction de la prise alimentaire », confirme le Pr Disse. Des études de phase 2 avec le cagrilintide en monothérapie a plusieurs doses ont pu montrer l’efficacité de ce peptide pour induire une perte de poids significative, « 10 % environ en 20 semaines de traitement) vs placebo en situation d’obésité. La combinaison du cagrilintide avec le sémaglutide agit sur plusieurs cibles (le récepteur à l’amyline et les récepteurs au GLP-1). Il est attendu des pertes de poids plus importantes qu’avec chaque produit utilisé en monothérapie. La principale étude de phase 2 avec la combinaison CagriSema® retrouve une perte de poids moyenne de 17 % sans atteinte du plateau en 20 semaines de traitement, ce qui correspond à la perte de poids observée sous sémaglutide 2,4 mg/semaine au bout de 1 an de traitement. L’étude pivot, REDEFINE-1 (dans le cadre du programme d’études de phase 3 pour la combinaison CagriSema®), vient de commencer avec plusieurs sites français impliqués. Les résultats de ces travaux devraient être connus dans 2 ans environ. Il est attendu des pertes de poids particulièrement importantes sous cette combinaison.»
Sur cette thématique des analogues de l’amyline, nous pouvons évoquer :
« L’amycrétine, un co-agoniste des récepteurs de l’amyline et du GLP-1, formulé avec le SNAC pour lui permettre une administration par voie orale. Cette molécule innovante est en phase 1 actuellement. »
Le BI 456906, un « co-agoniste des récepteurs au GLP-1 et au glucagon ». Cette molécule « diminue la prise alimentaire par induction de la satiété (effet GP1) et augmente la dépense énergétique (effet Glucagon) », précise le Pr Disse. « Ce peptide permet des injections hebdomadaires. Son effet est neutre sur la glycémie grâce à la combinaison du GLP-1 et du glucagon. » Dans une étude de phase 2, « chez des patients diabétiques de type 2 » le BI 456906 a permis pour « un tiers d’entre eux une perte de 10 % de leur poids en 16 semaines ». Cette molécule prometteuse devrait débuter son programme de phase 3 prochainement au sein de plusieurs Centres Spécialisés Obésité français.
Conclusions
• La recherche dans le secteur du médicament luttant contre l’obésité est aujourd’hui extrêmement dynamique avec de nombreuses molécules en cours d’expérimentation et à différents stades de développement.
• Il y a encore 10 ou 15 ans il existait très peu de traitements pharmacologiques dans la prise en charge de l’obésité. Cette ébullition de la recherche thérapeutique vient de l’amélioration des connaissances de cette pathologie, et plus précisément du mécanisme de régulation de la faim et de la satiété au niveau du système nerveux central.
• La question de l’égalité d’efficacité des traitements pharmacologiques avec la chirurgie bariatrique se posera bientôt, inévitablement, ce qui nécessitera à l’avenir de construire des algorithmes de prise en charge prenant en compte par exemple l’âge, les comorbidités ou la perte de poids visée, pour positionner de manière adéquat les indications de ces différents traitements.
• Les thérapeutiques de l’avenir constituent un enjeu de santé publique : l’obésité ôte la vie à 180 000 patients chaque année en France.
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